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mardi 29 décembre 2015

Jean Giono - Que ma joie demeure (III)

Qu'est-ce que la joie? Qu'est-ce que la simplicité? 
Ou, au fond, qu'est-ce qui vaut et qu'est-ce qui ne vaut pas ou alors pas assez pour qu'on y concentre l'activité d'une vie? 

Jourdan et Carle, deux personnages de "Que ma joie demeure" de Jean Giono nous donnent une réponse, à leur manière, à la Bobi, en "parlé" paysan, et ça sent bon le pain chaud et les odeurs de châtaignes. 

Où l'on comprend que la sobriété ce n'est pas l'ascétisme. C'est bien au contraire la multiplicité et des besoins et la richesse des expériences pour peu que l'on préserve notre seul "capital", le temps.



"Le blé, dirent-ils, on dit toujours que c'est le principal. Non, ça n'est pas le principal, Ah!  non alors! C'est justement pour ça. Bien sûr que c'est nécessaire. Bien sûr que c'est exactement comme l'air que tu respires. Et si tu t'arrêtes de respirer, ou tu ne tiens pas longtemps ou tu meurs. Et si tu n'as plus rien pour respirer, tu meurs nous le savons. Nous savons la belle, la grande, la forte, la puissante utilité du blé. Qui dit le contraire? Personne. Nous moins que les autres parce que c'est nous qui le savons le mieux.Mais justement, il faudrait que ce soit comme l'air qu'on respire. Il faudrait qu'on se serve du blé comme on se sert de l'air. Il faudrait qu'on s'en serve sans faire attention, machinalement, obligatoirement, comme d'une chose sans valeur. Voilà justement ce qu'il fallait dire. C'est très exactement ça, comme d'une chose sans valeur, comme de l'air, comme d'une chose inépuisable qu'on prend, qu'on avale, et voilà. Sans aucune valeur, absolument comme de l'air. Car on aurait moins besoin de consacrer tant de temps à cette nourriture qu'on avale, et puis c'est tout. Je ne dis pas, c'est agréable, je sais, bien sûr c'est agréable de manger. C'est une joie. Ça fait du sang. Ça compte. Mais ce que je veux dire c'est que ça ne compte pas pour tout. Je veux dire que quand on n'a qu'une seule joie, c'est comme quand on a une seule lampe ou un seul enfant. D'un seul coup, tout peut s'éteindre ou même qu'une seule lampe par exemple, tout en restant allumée, elle n'est parfois pas suffisante si elle est seule dans une grande chambre. Car, au fond, nous avons beaucoup de besoins et pas seulement le besoin de blé. Si tu réfléchis, regarde combien de choses nous désirons qui sont pour nous des choses principales et si on nous disait "prive-toi de manger pour les avoir" nous nous priverions de manger. Mais c'est absolument obligé comme de respirer de l'air. Et alors, faisons que ça ne nous pèse pas, que ça ne soit pas difficile, mais très facile, et alors nous aurons du temps pour tous nos autres besoins. Au fond les choses sont simples quand on y met de la bonne volonté."          

Et, en contrepoint, cet autre extrait, un peu plus loin:

"Quand les gros propriétaires sortaient de la Ville pour venir voir leur champs, ils s'enfonçaient avec leurs autos entre deux murailles de richesses. Ils ne pouvaient plus voir ni le ciel, ni le tournoiement des champs autour d'eux, ni l'ordonnance de la solidité de la terre dans les hautes montagnes de l'horizon, ils ne pouvaient voir que du blé, du blé, du blé, et du blé; des murailles de blé sans un trou, sans une fente, sans une fissure, des millions et des millions de tiges de blé qui frottaient à toute vitesse de chaque côté de leur tête, étourdissant toutes leurs réflexions, les enivrant d'un vide nauséeux, comme s'ils étaient en train de pénétrer dans la chair même de l'or." 


Nous qui ne savons plus faire pousser le blé mais qui le "gagnons" au prix de tant d'heures de travail qui nous tiennent éloignées de ce qui compte vraiment pour nous, saurons-nous faire "que ça ne nous pèse pas, que ça ne soit pas difficile, mais très facile" pour que nous ayons, enfin, "du temps pour tous nos autres besoins". Saurons-nous nous dégriser de ce "vide nauséeux" qui étourdit nos réflexions?
Finalement, saurons-nous mettre de la "bonne volonté" pour que les choses redeviennent simples?  
Voilà peut-être la grande interrogation avec laquelle Giono nous laisse. Et de notre réponse dépendra la forme de notre avenir individuel et collectif.






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