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lundi 11 juillet 2016

Les incas

Notre voyage autour du monde à la recherche des secrets des "Open Villages" était conçu comme un voyage de découvertes et d’apprentissage et non comme un voyage de tourisme. Des découvertes et des apprentissages, nous en avons eu, plus même que nous ne l'imaginions, y compris dans les phases de détente ou de "tourisme culturel". Dernier exemple en date, notre séjour à Cusco où, n'ayant pas trouvé de village pour nous accueillir, nous nous préparions à suivre les centaines de visiteurs qui, en cette période de l'année, s'agglutinent devant les ruines incas et parcourent en trek les routes de l'empire de Huayna Capac. C'était sans compter encore une fois sur la divine Providence qui nous fit choisir un peu par hasard un hébergement chez Fernando, un architecte passionné par les incas, qui a visité le Machu Picchu plus de 40 fois et qui est une encyclopédie vivante sur les moeurs, les coutumes, et l’organisation sociale des fils du soleil. Chaque repas avec lui a été l'occasion d’en apprendre un peu plus sur cette civilisation prodigieuse. Et, bien sûr, d'établir des liens entre la  philosophie politique et sociale des incas et les contours, de plus en plus précis pour nous, de ce que nous avons appelé les Open-Villages. D'une certaine manière, c'est comme si la civilisation inca avait réussi à créer et à gouverner une fédération d’Open Villages... Jugez en plutôt :



COMMUNAUTÉ ET DEVELOPPEMENT
La philosophie existentielle inca place le développement humain au centre de ses préoccupations. Mais contrairement à nos sociétés contemporaines qui font la promotion d'un individu séparé de son entourage qui doit trouver en lui même les ressources de son propre développement, le développement humain chez les incas ne se conçoit qu'au travers de la communauté. Loin de se limiter à la seule dimension de la richesse financière, ce qui malheureusement est devenu la principale mesure par laquelle on « pèse les hommes » dans nos sociétés modernes, le développement humain des incas se conçoit sur quatre dimensions :
- la dimension biologique, celle du fonctionnement vital et des besoins primaires ;
- la dimension affective, celle des sentiments et de l'état mental
- La dimension rationnelle, celle de la pensée et de la recherche de la vérité
- La dimension spirituelle, celle du lien avec Dieu, avec la biosphère et avec le cosmos

Sur chacune de ces quatre dimensions, l’assistance de la communauté et du cosmos (dont Pachamama, la Mère-nature) est fondamentale. L’obsession inca pour le développement de la biodiversité et l’extraordinaire travail réalisé pendant des siècles sur les semences afin de trouver de nouvelles variétés adaptées aux différentes terrains, altitudes, climat et saisons sur tout le territoire de l’Empire fournit une bonne illustration de cette nécessité de réconcilier à tout moment les quatre dimensions du développement humain en s'appuyant sur la communauté et sur la puissance du cosmos.



TRANSPARENCE ET OUVERTURE
Les incas vivaient en petits groupes et les villes, qui étaient essentiellement des centres religieux, administratifs et scientifiques, comptaient peu d'habitants. Aussi bien à l'intérieur d’une même communauté inca qu'entre communautés, la transparence sociale était quasi-totale. Les jeunes incas devaient tisser leurs propres vêtements. La qualité des coutures la finesse du tissage, le détail des dessins, disaient beaucoup sur le type d'hommes qu'ils étaient. Encore plus, les ornements tissés sur le plastron du vêtement donnaient beaucoup d'informations sur celui qui le portait (son village d'origine, son métier, les produits fabriqués ou cultivés dans sa communauté, ...). Avant l'âge adulte, un jeune inca devait se choisir un nom. Le choix de ce nom indiquait ainsi aux autres comment il se voyait et comment il souhaitait qu'on le considère. C'était donc un acte social important qui engageait la personne pour toute son existence vis à vis de sa communauté et des autres.  
Ce caractère « ouvert » de la société inca, dans laquelle la dissimulation était difficile, explique sans doute en partie la relative facilité avec laquelle une centaine d’espagnols rompus aux mensonges et au cynisme des diplomaties impériales européennes ont pu venir à bout d'une armée inca forte de plusieurs dizaines de milliers d'hommes.




AUTONOMIE DANS LA SOLIDARITÉ
Chaque communauté devait vivre en autosubsistance durant toute l’année et étaient donc très peu spécialisée. Tout au contraire, chaque village inca devait maîtriser la culture de plusieurs semences et des plantes médicinales, ainsi que les arts du tissage et de la céramique. Or le climat est très fluctuant dans les Andes, entraînant des productions agricoles très variables d'une année sur l'autre. Pour garantir une répartition harmonieuse des surplus entre les régions de l'empire ayant connu une bonne année agricoles et les autres, l’Etat inca ne s'est pas reposé sur les lois du marché et sur le développement du commerce. Il a plutôt organisé un gigantesque système de solidarité directe par lequel il organisait une impressionnante logistique pour remplir les greniers communautaires avec la surproduction des régions en surproduction. Ces greniers restaient généralement pleins, stockant souvent sur plusieurs années des produits agricoles ou des vêtements, et garantissant ainsi une solidarité inter-régionale et inter-générationnelle. 




INNOVATION ET « AUTRE » MODÈLE ÉCONOMIQUE
Les civilisations andines n'ont pas connu la pénurie mais au contraire toujours l'abondance grâce à leur obsession pour le développement de la diversité notamment en matière de semences. Il y a au Pérou plusieurs milliers de sortes de pomme de terre, une centaine de haricots et des dizaines de variétés de mais. Chaque semence à son emploi dans la cuisine péruvienne. Par exemple le mais noir sert uniquement pour en extraire une boisson ( la fameuse Chicha Morada). Toute une science de la diversité s'est ainsi développée dans les Andes et on pense aujourd’hui que le Machu Picchu était un laboratoire de biodiversité pour les incas.


Cette diversité des produits n'est absolument pas commensurable avec celle que nous propose la société de consommation dans les étals des super marchés pour attirer le chaland. En effet, l’« hyper » diversité inca ne s'accorde pas avec les exigences d'économies d'échelles qui sont au cœur de la  logique économique. Elle suppose une autre valeur que la pure valeur économique ou la rentabilité. Cette « autre »  valeur peut être mieux approchée, lorsqu'on comprend que le mode de pensée Inca était une sorte de dialectique, un dépassement de la contradiction dans un but d'amélioration. Les incas ne rejettent pas un choix au profit d'un autre : ils le gardent « pour s'en servir plus tard ». Illustration de cet aufhebung andin : la petite guitare à 12 cordes qui est un détournement (sans doute ironique) de la guitare espagnole à 6 cordes, une façon de ne pas rejeter mais de transformer suffisamment pour que l'objet acquière une nouvelle identité.



Bien sûr, l'analogie que je fais entre communautés incas et Open Villages est autant anachronique qu'elle est simplificatrice et elle passe sous silence certains aspects un peu moins « attractifs » du modèle andin.  Mais, tout de même, cette puissante civilisation a démontré qu’une autre voie est possible, ou en tout cas, qu’elle l'a été. Reste qu'elle pose aussi la question de la résilience de ce modèle communautaire face à la cupidité des conquistadors dont, malheureusement, le monde actuel ne manque pas.


1 commentaire:

  1. Salut Ahmed.
    je t'envie pour ce voyage initiatique à travers cette culture des Incas multi-mélinéaire.
    j'aurais aimé que tu partages avec nous les graines authentique -sans OGM- des plantes si tu en as ramené, pommes de terre, tomates, mais, haricots...etc.
    A bientot.

    Driss CHOUKRI.

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