Facebook

Créer par LeBlogger | Customized By: Ajouter ce gadget

vendredi 12 août 2016

Vivre en prison ? Le retour ...

Le retour, via une halte à Paris est bizarrement ... non bizarre. C'est comme si tout était resté comme avant. Comme si, en fait, ce n'était pas le monde que nous ne reconnaissons plus après avoir vécu en ses marges pendant près d'un an, mais plutôt nous qui nous ne reconnaissions plus dans ce monde-ci. Nous sommes devenus des étrangers et, du coup, beaucoup de choses paraissent étranges. Comme par exemple cette obsession pour la sécurité ...


Lorsque je parle de sécurité, je ne parle pas de ces patrouilles de militaires qui déambulent dans les gares et "sécurisent" les rues. Elles ne sont que l'aspect visible d'un système de sécurité qui entend donner aux citoyens le sentiment que l'Etat est là et les protège. C'est une présence, espérons le, temporaire et à ce titre encore "anormale".

Non, je parle d'une véritable obsession sécuritaire qui est devenue tellement intégrée à nos existences, tellement "naturelle" dans nos comportement les plus courants que nous ne sommes même plus capables d'en isoler les manifestations et donc d'en critiquer les excès. Hier, je suis allé dans une résidence en banlieue parisienne dans laquelle il faut passer une première grille extérieure dont l'ouverture est contrôlée à distance, puis après avoir traversé une cour, une porte avec digicode pour rentrer dans l'immeuble. Le digicode est ancien, ce qui est nouveau (et qui m'a donc surpris), c'est la sécurisation de la grille extérieure. Il y a donc trois portes maintenant pour entrer chez un résident, 3 portes qui mettent de plus en plus à distance "l'extérieur", le monde "sauvage" dont il semble à tout le monde indispensable de se protéger. Que ce monde sauvage soit à Maisons Laffitte, une banlieue riche de l'ouest parisien, devrait pourtant faire réfléchir...       

Tout comme devrait donner à réfléchir le fait que les habitants de cette résidence sont autant enfermés chez eux qu'ils sont "protégés". Les systèmes électriques qui commandent l'ouverture des portes sonnent et claquent tout comme ceux qui limitent les mouvements des criminels enfermés dans les prisons; les portes motorisées, sur gonds ou coulissantes, sont lourdes de tous les fers des barreaux et des grillages dont elles sont composées; les systèmes de surveillance et d'enregistrement qui notent les heures d'arrivée et de départ et filment les visages des visiteurs comme des résidents, sont la forme moderne, outillées par des technologies toujours plus performantes, du panoptique, cette architecture carcérale imaginée par Jeremy Bentham pour permettre l'observation permanente des faits et des gestes des détenus.

Cette mise à distance de ce qui est exogène, de ce qui est "étranger au service", c'est-à-dire des non résidents dans les unités d'habitation, des non-salariés dans les entreprises où l'on doit porter un badge magnétique pour accéder à son poste de travail, des non-élèves qui doivent passer un portique de sécurité dans certaines écoles, ou encore des non-passagers dans les aéroports, est une mise à distance du danger, du risque, de la violence possible. En ces temps de terrorisme, je suis conscient que l'on risque de me rétorquer que ces systèmes permettent sans doute d'éviter des violences et peut-être même de sauver des vies. Certes. Seulement, je souhaiterais que nous soyons tous vigilants au fait que cette manière de s'isoler du danger plutôt que de le confronter (pas nécessairement de manière violente d'ailleurs) n'est pas la seule possible et de surcroit elle a un coût social très élevé. Cette manière que nous avons de traiter tous les dangers par le "containment" nous isole encore plus les uns des autres. Nous enfermons les criminels car ils sont dangereux, rejetons les réfugiés car ils pourraient l'être et finalement, vivons reclus dans des appartements fermés à triple tour par peur de ce qu'il pourrait y avoir "dehors". Difficile dans ses conditions de comprendre comment se forme la violence urbaine et d'aller en combattre les germes avant qu'elle ne se manifeste. Difficile aussi de faire preuve de solidarité et de compassion pour le nécessiteux qui attend derrière les hautes barrières que nous avons élevées entre lui et nous. Impossible enfin d'éduquer à l'hospitalité...

Bien sûr, personne n'est vraiment coupable de cela. Nous sommes finalement autant des victimes que les acteurs passifs d'une dynamique sociale qui nous échappe en grande partie, alimentée par la peur, les progrès technologiques, la logique consumériste, et la dépendance institutionnelle accrue dans laquelle nous vivons. Mais encore une fois, nous sommes co-responsables de ce choix de société, et à tout le moins, nous pouvons résister, c'est à dire, pour commencer, admettre qu'il s'agit bien d'un choix et qu'il y en a d'autres possibles.  

Car il n'y a aucune fatalité à vivre comme cela. Dans tous les Open-Villages où nous avons résidé, les portes des maisons restent souvent ouvertes. Il n'y a aucun (ou très peu) de vols et de violences. Il y a en revanche beaucoup d'attention aux autres, une solidarité effective à l'intérieur et en dehors du cercle familial, une participation de tous aux décisions qui engagent la communauté et qui l'unifient. Contrairement à ce que nous avons pu voir dans les grandes villes  notamment en Amérique Centrale, les maisons ne sont pas grillagée (voir photo) et les chiens ne gardent rien d'autre que leur place au soleil. Les rares armes disponibles dans la communauté ne servent qu'à chasser ou à pêcher et les grillages à protéger les cultures de la gourmandise des chèvres, des vaches et des moutons. Alors, avant d'ouvrir portes et barrières, ouvrez au moins vos cœurs à cette "autre" possibilité et demandez vous si la vie n'y serait pas meilleure.    




2 commentaires:

  1. Oui. Mais plutôt que des Openvillage, ne vaudrait il pas justement mieux étudier des Openvilles ? L'évolution tend à rassembler inéluctablement les hommes dans des cités de plus en plus monstrueuses, les villages se vident et avec toute une culture. Avec la sortie de la religion il est de notre responsabilité de contribuer à combler le vide spirituel qui tend à pousser les gens vers l'avoir... Le livre de Abdennour Bidar est intéressant sur le sujet avec son concept des trois liens essentiels : le lien d’écoute et d’estime entre soi et soi, le lien de solidarité et de fraternité avec autrui, le lien de symbiose avec la nature.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Open Villages ou Villes ouvertes? La question mérite effectivement d'être posée, en tout cas je me la pose depuis que nous avons entrepris ce grand voyage, ne serait-ce que parce que la très grande majorité des lecteurs de ces chroniques vivent dans ces "cités monstrueuses". Mais cette évolution est-elle vraiment inéluctable? N'y a-t-il pas moyen de recréer, autour de soi, dans un environnement urbain, ces petites "communautés de l'attention", de refonder une solidarité de proximité, de recréer une culture et ainsi, de rétablir les 3 liens dont parle Abdennour Bidar? C'est mon espoir, en tout cas, que l'exemple même imparfait des Open Villages pousse certains d'entre nous à explorer cette voie. Merci pour votre commentaire !

      Supprimer

N'hésitez pas à commenter ou à poser des questions!

Vous souhaitez être tenu au courant des nouveaux articles?

Abonnez-vous. Vous recevrez les aricles par mail